l'âge de treize ans, dans un cours du soir de dessin de la Ville de Paris, le professeur, un peintre, s'est assis près de moi, a saisi mon ouvrage appliqué, l'a jeté de côté, pour tracer en trois traits sur une feuille vierge la pauvre nature morte tenant lieu de modèle.
« Bon... Reprends ton pinceau, gamin, m'a-t-il alors soufflé, je reste près de toi, regarde bien chaque tonalité de ce sujet. Le fond, d'abord, de quelle couleur est-il ? »
C'était, mal essuyé, un tableau noir un petit peu fardé de craie.
Bien sûr, j'ai dit « Noir, Monsieur, il est noir Monsieur »
« Je ne te demande pas de dire que c'est un tableau noir, je te demande : de quelle couleur est-il ? » Le prof s'était tourné, penché sur moi, ses deux yeux dans mes yeux cherchaient quelqu'un, cherchaient...
Ma voix a murmuré « Mauve, mauve, Monsieur »
« Pose-moi ce mauve, petit, sur le papier. Avec tes aquarelles, pose ce ton. Dis-moi, et ce croûton de pain, de quelle couleur vois-tu son ombre ? Regarde bien. »
J'ai regardé... regardé, j'ai crié « Violet rouge, Monsieur ! C'est violet rouge ! »
Et alors, un par un, j'ai vu les tons... le jaune vif, un peu vert, sur la lumière du vieux croûton, le fond qui était vert tout autour de lui. Et les bleus ! Les bleus dans l'ombre du torchon !
Et je posais les tons, et le prof riait, me serrait contre lui !
Devant moi, stupéfait, les couleurs se parlaient sur la feuille irradiée.
La foudre ! La foudre ! La foudre !
Oui, je venais de naître !
Je le sus à l'instant.
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